chemin(s) faisant

L'homme préhistorique à la conquête de la montagne

L’homme, animé par sa volonté d’explorer les territoires, n’a jamais été arrêté par les difficultés du relief. De Néandertal à Homo sapiens, de 140 000 ans aux débuts de notre ère, il se déplace de la plaine à la montagne et fréquente le massif du Vercors pour trouver de la nourriture, chasser, tailler du silex. 5000 ans avant J.-C., aux débuts de l’élevage et de l’agriculture, le Vercors est intégré à des circulations à l’échelle de l’Europe. Bien avant les voitures et les tunnels, le massif n’est pas une montagne isolée ; des passages se fixent, plurimillénaires, les premières voies sont ouvertes.

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Les déplacements dans l'Antiquité

À l’époque romaine, le massif est exploité pour ses ressources grâce aux chemins de desserte sur lesquels on circule à pied ou à dos de mulet. Les hommes montent des troupeaux pour l’estive, exploitent le bois, la pierre (carrière de la Queyrie), la résine de pins (poix)... Le Vercors est entièrement ceinturé par des voies carrossables, donc roulantes. Trois voies principales relient Valence à Grenoble, Valence au Montgenèvre par Die et Grenoble à Sisteron. Ces routes internationales permettent la circulation des légions de l’armée romaine, des différents véhicules à roues et servent également à drainer les ressources du Vercors.

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Les chemins du Vercors au Moyen-Age

Aux premiers siècles du Moyen-Age, la rudesse des hivers restreint les circulations dans le massif aux seuls mois d’été. L’habitat permanent est cantonné aux marges, notamment dans la région de Die. Le réchauffement climatique de l’an Mil permet aux hommes de s’installer toute l’année dans les hauteurs. Aux côtés des moines venus prier dans la solitude des espaces montagnards, les habitants occupent le territoire et se regroupent en paroisses sous la protection de seigneurs laïcs ou ecclésiastiques. Pour les cultures, l’élevage, l’exploitation de la forêt, le commerce ou la vie religieuse, ils tracent et empruntent de multiples chemins.

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Le Vercors à l'époque moderne : un monde en mouvement

Du XVIe au XVIIIe siècle, le Vercors est un espace amplement parcouru et relié aux régions voisines. Ses forêts sont exploitées de façon intensive. Ses habitants s’adaptent aux conditions montagnardes en menant plusieurs activités : élevage ovin ou bovin, culture des céréales mais aussi fabrication textile, transformation du bois voire métallurgie. Loin de vivre en autarcie, ils écoulent leur production dans la plaine, dont ils dépendent pour une part de leur approvisionnement. Les flux commerciaux et les autres déplacements se font à pied ou à dos de mulet, par les cols et les « pas », le long de sentiers parfois périlleux.

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A l'initiative des routes

Au début du XIXe siècle se mettent en place des conditions favorables au développement d’un réseau routier local. Le transfert de la propriété forestière sous la Révolution stimule l’économie. L’apparition du chemin de fer et l’amélioration des techniques de construction accélèrent les communications. Le « désenclavement » du Vercors par les routes et l’exploitation rationnelle de ses ressources deviennent des maîtres-mots partagés par la population et ses élus, soutenus par l’administration du département – préfet et conseil général. Les projets naissent d’un jeu d’interactions entre ces différents acteurs. Deux points attisent particulièrement les tensions : le tracé des routes et leur financement.

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Une lente maturation des projets

Une fois prise la décision de construire une route, les agents voyers du service vicinal sont chargés de sa mise en œuvre. Leur travail se traduit par un avant-projet, comprenant un plan d’ensemble du tracé, les documents techniques et les plans des principaux ouvrages d’art prévus : ponts, tunnels, encorbellements... Ce dossier est soumis à une enquête publique qui donne souvent lieu à de virulents débats : chaque commune, chaque hameau entend défendre le tracé le plus favorable à ses intérêts. Ce n’est qu’au terme de cette procédure que les projets, souvent largement amendés et approfondis, peuvent être validés et déclarés d’utilité publique. L’achat des terrains peut alors commencer.

Des travaux de Titans

La réalisation des travaux est le plus souvent confiée à des entreprises recrutées par appels d’offre. Certaines dynasties d’entrepreneurs s’illustrent ainsi par le percement de nombreuses routes. Les retards liés aux aléas climatiques ou techniques, les surcoûts et les nuisances des travaux compliquent parfois leurs relations avec le commanditaire et la population locale. Les chantiers sont le lieu d’une innovation permanente pour bâtir et sécuriser ces voies suspendues entre ciel et terre. Les conditions de sécurité rudimentaires sont la cause régulière d’accidents mortels pour les ouvriers. La construction des routes du Vercors marque les esprits par le caractère titanesque des travaux réalisés, comme un défi lancé à une nature hostile.

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Un acteur méconnu de la construction des routes : les Eaux et Forêts

Les vastes étendues forestières du Vercors sont exploitées par les Eaux et Forêts. Le code forestier de 1827 conforte le rôle de cette administration qui dispose d’un maillage territorial d’agents chargés du contrôle et de l’exploitation des bois. Pour garantir la « vidange » des troncs abattus dans des forêts parfois difficiles d’accès, le service est amené à aménager des routes de desserte permettant le passage des convois de bois. La construction s’effectue en régie directe ou par délégation à un entrepreneur. La réalisation la plus remarquable reste la route de Combe Laval, ouverte en 1896 pour desservir la forêt de Lente. Bon nombre de routes actuelles du Vercors ont ainsi une origine forestière.

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Le service vicinal, un outil au service du développement routier

Créé en 1836, le service vicinal est l’administration départementale chargée de construire et d’entretenir le réseau routier de proximité, dit aussi « vicinalité » : chemins de grande ou moyenne communication, d’intérêt commun, chemins vicinaux ordinaires ou ruraux... Fort d’une cinquantaine d’agents en 1914, il est dirigé par un agent voyer en chef, assisté d’agents voyers d’arrondissement, cantonaux, ordinaires et de cantonniers. C’est ce service qui assure le percement d’une grande partie des routes carrossables du Vercors au XIXe siècle. Il est fusionné en 1928 avec le service des Ponts et Chaussées, en charge des routes nationales.

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Les mutations du territoire

Le tracé des nouvelles routes modifie le paysage, l’organisation spatiale et administrative des villages. Des hameaux sont créés, d’autres s’agrandissent. Au bord des routes sont construits des hôtels, commerces, cafés... et sont aménagés des espaces publics, des points de ravitaillement en essence. Les activités rurales traditionnelles se transforment et s’adaptent aux besoins des citadins et des industriels. L’économie du massif, auparavant diversifiée, se spécialise de plus en plus. De nouveaux métiers apparaissent avec les activités touristiques (aubergistes, commerçants...), le besoin d’entretenir les routes (cantonniers), de transporter le bois plus rapidement et en quantité importante (voituriers, grumiers).

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Les usages de la route

Créées à l’origine pour des raisons économiques, les nouvelles routes voient leurs usages se diversifier au fil des années. Elles sont empruntées par les habitants lors de leurs déplacements quotidiens, par les professionnels locaux ou « extérieurs ». Avec le développement du tourisme, l’attrait des paysages spectaculaires et des routes vertigineuses, les usages touristiques et sportifs s’imposent et font la renommée de ces routes, devenues instruments de loisir occasionnel. Les usages stratégiques pendant la Seconde Guerre mondiale donnent un autre visage à ces routes en guerre et marqueront profondément l’histoire du Vercors. Le partage de l’espace est au cœur du développement des routes.

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L'entretien des routes de 1860 à nos jours, un défi permanent

Dès leur mise en service, les routes font l’objet d’un entretien et de travaux spécifiques à la montagne (relief, géologie, météo...). Les risques sont liés au verglas, à l’enneigement, aux éboulements rocheux, au vieillissement des infrastructures, etc. Les interventions portent sur la viabilité hivernale (déneigement, salage...), la protection contre les chutes de pierre, le balayage des chaussées, la surveillance des murs de soutènement, l’entretien des tunnels. Ces travaux répondent à l’accroissement de la circulation aussi bien en hiver qu’en été. Aussi les routes s’adaptent-elles à l’évolution des usages, aux progrès techniques et aux nouveaux modes de circulation privilégiant vitesse, rationalité, régularité.

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Quelles routes pour demain ?

Le nouveau projet des « Sublimes routes du Vercors » vise à valoriser l’ensemble des routes du massif reconnues comme patrimoine naturel exceptionnel et atouts majeurs d’attractivité touristique. Né fin 2017, ce projet s’appuie sur l’esprit des lieux, associant le paysage, les hommes, l’histoire. Il se fonde également sur les usages actuels et futurs, conciliant les déplacements utilitaires des habitants et les nouvelles formes de mobilités, plus douces et respectueuses de l’environnement. Vivre l’ampleur des paysages sublimes et se déplacer nécessitent une mise en scène inventive et respectueuse, invitant à découvrir le territoire du Vercors et ses richesses naturelles et culturelles.

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